La COVID-19 et les droits fonciers communautaires au Liberia : Une histoire de résilience et d’espoir | Land Portal

Aux quatre coins du monde, la pandémie de COVID-19 a généré toute sorte de difficultés inédites pour les organisations membres du réseau RRI et leurs communautés. Dans de nombreux cas, elle a aussi donné lieu à des  nouvelles possibilités d’autonomie pour les communautés locales. C’est l’une de ces opportunités qu’a saisi l’organisation Social Entrepreneurs for Sustainable Development (SESDev), une ONG libérienne spécialisée dans les droits de gouvernance sur les ressources naturelles.

Suite aux mesures de confinement économique au Liberia, SESDev s’est mobilisée auprès de 40 communautés réparties sur les comtés de Sinoe, Grand Kru, Maryland et Lofa. L’organisation a placé au cœur de son engagement une campagne massive de sensibilisation concernant le virus de façon à ce que ces communautés vulnérables apprennent à se protéger en utilisant les ressources à leur disposition. SESDev a travaillé en  collaboration avec le ministère de la Santé et l’Institut national de santé publique du Liberia pour concevoir des messages qui seraient facilement compris par les communautés. L’organisation a bénéficié d’une accréditation qui lui a permis de se rendre sur le terrain auprès des communautés malgré les restrictions de déplacement imposées par le gouvernement.

SESDev a profité de ce partenariat pour  informer les communautés non seulement sur la protection de leur santé, mais aussi pour aborder leurs droits fonciers collectifs,  le principal domaine d’expertise de l’organisation. Ses efforts ont permis à SESDev de renforcer son lien de confiance avec les communautés, dans le contexte plus large de la lutte pour la reconnaissance des droits fonciers communautaires à l’échelle nationale.

Les moments de tension sociale peuvent favoriser l’émergence de théories complotistes, comme cette pandémie l’a clairement montré au niveau mondial. L’équipe de SESDev s’est heurtée à de nombreuses idées fausses concernant la COVID-19, comme par exemple qu’il s’agirait d’un virus fabriqué artificiellement, qu’il se transmet par les rapports sexuels, ou  qu’il n’y ait rien de  nouveau étant donné que les signes et symptômes associés à la maladie existent depuis toujours. La rumeur voulait également que des personnes infectées venues de Monrovia visitaient les communautés rurales dans le but délibéré de répandre la maladie, ce qui a rendu plus difficile la diffusion de supports d’information, comme les dépliants et affiches, pour les membres de l’équipe de SESDev venus de Monrovia.

SESDev a déployé diverses stratégies pour faire face aux difficultés : elle a notamment demandé le soutien des anciens et des chefs dont l’influence est reconnue dans les communautés. Par ailleurs, l’organisation s’est employée à diffuser activement les statistiques officielles du gouvernement, ce qui a contribué à légitimer ses efforts de divulgation et d’information. Dans certaines campagnes, la pandémie de COVID-19 a été comparée à celle d’Ébola en 2014 et chacun a été invité à se laver les mains plus fréquemment.  SESDev a montré aux gens diverses façons dont ils pouvaient improviser des stations de lavage des mains à l’aide des matériaux disponibles sur place.

« La plupart des communautés a bien accueilli l’idée, et cela démontre encore une fois que la clé de la durabilité réside dans l’appropriation des interventions par les communautés locales », a affirmé le coordinateur de SESDev, Daniel Krakue.


Personnel de SESDev en pleine campagne de sensibilisation auprès des communautés pendant le confinement dû à la COVID-19 dans le comté de Grand Kru, au Liberia. Photo : SESDev

Vigilance sur les atteintes aux droits fonciers pendant le confinement

La COVID-19 et les mesures de confinement des populations ont aussi fait peser des menaces sur l’intégrité des droits fonciers communautaires au Liberia, notamment du fait que les industries extractives ont été désignées comme entreprises essentielles et ont dont été autorisées à poursuivre leurs opérations. Les Organisations de la société civile (OSC) n’ont pas reçu le même traitement : considérées comme non-essentielles, elles se sont vu interdire tout déplacement vers les zones rurales pour aider les communautés à surveiller leurs territoires. Les restrictions imposées aux réunions présentielles ont également mis un coup d’arrêt aux activités de la société civile, ce qui a rendu quasi-impossible l’action des OSC.

Dans ce contexte, l’enregistrement de SESDev auprès du ministère de la Santé et le partenariat mis en place pour contribuer à la diffusion d’informations concernant la pandémie ont permis à l’organisation de garder un œil sur les droits fonciers des communautés et d’établir une procédure d’assistance technique à distance par le biais d’un mécanisme de réponse et d’alerte précoce.

Initialement développé pour faciliter la surveillance des terres communautaires pendant l’épidémie d’Ébola, ce mécanisme a permis aux membres des communautés de joindre SESDev sur une ligne dédiée pour rapporter toute éventuelle menace à leurs droits fonciers et pour obtenir conseil et soutien dans la réponse à donner à ces menaces. Au cours de la période, sept demandes liées à des questions foncières ont été transmises à SESDev dans les comtés de Sinoe, de Grand Kru et de Maryland, et l’organisation a pu fournir une aide technique consultatif immédiate aux communautés. Elle poursuit encore aujourd’hui son suivi de ces dossiers.

Dans l’un de ses cas, des communautés du comté de Sinoe ont dénoncé les agissements d’un investisseur qui voulait établir une exploitation de manioc sur des terres communautaires pendant le confinement dû à la COVID-19, en plein état d’urgence sanitaire. Avec le soutien de SESDev, la communauté a pu arrêter  cette initiative. Dans un autre cas, dans le comté de Grand Kru, les communautés ont pu négocier un paiement pour des activités d’exploitation d’or sur leurs territoires.

Avec ce mécanisme novateur de réponse précoce, SESDev a démontré que les militants et organisations du Liberia peuvent à la fois satisfaire aux besoins immédiats des communautés en termes d’assistance et de conseil, et contribuer aux actions à plus long terme en faveur de la souveraineté foncière collective. Cela a également illustré l’extraordinaire résilience et créativité des organisations membres de la Coalition RRI sur le terrain, qui continuent de se mobiliser malgré toutes les difficultés qu’elles affrontent déjà en temps normal, et auxquelles s’ajoutent aujourd’hui les nouvelles menaces générées par une pandémie sans précédents.

Pour plus d’information concernant les efforts de SESDev, contactez Daniel Krakue.

Plus de détails concernant les impacts de la COVID-19 sur les droits fonciers en Afrique, ici.

Partagez cette page