Comment la sécurisation des droits fonciers coutumiers profite aux pays | Land Portal

Dans cette nouvelle série de blogs, la facilitatrice de la Coalition Nationale Foncière au Cameroun revient sur sa participation à la conférence ALIN 2021 et sur ce que la garantie des droits fonciers communautaires apporte aux pays qui le pratiquent


Trois mois après ma participation au 3eme Atelier Régional des Institutions Foncières Nationales sur la Sécurisation des Droits Fonciers Communautaires en Afrique à Lomé, je me trouve en train de m’y réfléchir. J’y assiste pour une seconde fois en qualité de représentante de la stratégie nationale d’engagement pour la gouvernance foncière du Cameroun.


Pour les délégations des treize pays présents, des défis demeurent en matière de protection des droits fonciers coutumiers collectifs et individuels. L’une des causes majeures identifiée, est le fait que l’enregistrement privé des terres soit encore présenté par les politiques nationales de nombreux pays comme étant le seul moyen de sécurisation des terres. Ce modèle se heurte à une réalité marquée par le fait que 50 ans après l’instauration de la propriété privée, moins de 5 % en moyenne de la population des dits pays ont pu sécuriser leurs terres suivant ce régime et aussi par, l’incapacité de garantir la sécurisation des droits fonciers collectifs par la propriété privée classique. 


 


Pour les délégations des treize pays présents, des défis demeurent en matière de protection des droits fonciers coutumiers collectifs et individuels


Les avancées sont tout de même notables dans les pays au cours des dix dernières années dans quelques pays : 


En République du Congo, l’État facilite la délimitation des terres des peuples autochtones sur la base de leur droit foncier coutumier, en vue d’en garantir la connaissance. Ainsi, en l’absence des titres fonciers, les populations autochtones conservent leurs droits fonciers coutumiers préexistants.[i] 


Du Libéria nous apprenons que la « Land Rights Law » adopté en juillet 2018 établi qu’il existe quatre catégories de propriété foncière, parmi lesquelles la propriété sur les terres coutumières.[ii] Dès lors les communautés n’ont pas besoin de présenter un acte de propriété pour prouver qu’elles sont propriétaires – le témoignage oral des voisins suffit. Toutefois, pour que les communautés puissent bénéficier de l'ensemble des droits que confère la propriété privée, elles doivent achever le processus de formalisation des terres coutumières.


L’une des causes majeures identifiée, est le fait que l’enregistrement privé des terres soit encore présenté par les politiques nationales de nombreux pays comme étant le seul moyen de sécurisation des terres


Du Togo, noter que la reconnaissance effective par l’ tat et les collectivités territoriales décentralisées des droits fonciers locaux coutumiers légitimes est en vigueur.[iii] 


Concernant le Cameroun, j’ai eu la joie de partager que lors de la session parlementaire de juillet 2021, le Ministère des Domaines du Cadastre et des Affaires Foncières annonçait la consolidation des droits fonciers des collectivités coutumières, dans un contexte où la reconnaissance des droits fonciers coutumiers n’avait pas été encore officiellement inscrite par le gouvernement dans l’agenda de la réforme foncière du Cameroun. 


Ce modèle se heurte à une réalité marquée par le fait que 50 ans après l’instauration de la propriété privée, moins de 5 % en moyenne de la population des dits pays ont pu sécuriser leurs terres suivant ce régime et aussi par, l’incapacité de garantir la sécurisation des droits fonciers collectifs par la propriété privée classique


Les leçons à tirer sont multiples pour les pays ayant amorcé des processus de réforme foncière ou encore pour ceux dont le développement des outils et moyens de mise en œuvre des politiques foncières sont en cours, et il se dégage notamment que : 


  • La distinction entre le foncier rural et le foncier urbain doit être clarifiée dans les politiques des pays, le rural étant dominé par des usages fonciers du type rural et l’urbain, par des usages fonciers propres aux activités urbaines. 
  • Les politiques efficaces de sécurisation des droits fonciers coutumiers s’inscrivent inévitablement dans des politiques de zonage et doivent être, élaborées de manière participative.
  • Les zones d’expressions des droits fonciers coutumiers collectifs authentiques doivent être cartographiées, sécurisées et gérées dans leur forme d’expression ancestrale, notamment garder le caractère incessible pour ne citer que ceci. 
  • La sécurisation des droits fonciers collectifs contribue efficacement à la lutte contre le changement climatique car des analyses comparatives relèvent : une baisse de la déforestation sur des espaces ou la gouvernance des terres est dictée par les droits fonciers collectifs. 
  • Le caractère public de la sécurisation des terres est soutenu par les parties prenantes et serait un moyen efficace pour permettre aux États des pays africains de révolutionner leurs cadastres fonciers afin de disposer d’une documentation plus complète sur l’usage des terres et les types de droits fonciers. 
  • L’efficacité de la fiscalité foncière connaît une amélioration nette dans les pays où l’on assiste à un effort de reconnaissance des droits fonciers coutumiers et de décentralisation inclusive et transparente. 

J’ai pris part à cet atelier aux côtés de l’administration foncière de mon pays. Notre réflexion nous sera certainement un instrument d’action dans notre pays, un contexte où la législation foncière date de 1974, et où le processus de réforme a été amorcé il y a de cela 10 ans déjà. 


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[i] La loi n°5- du 25 février 2011 en son Art-32.


[ii] En son Art-7.


[iii] La loi n°2018-005 du 14 juillet 2018 portant code foncier et domanial du Togo en son Art- 8. Le même texte en son Art-628 précise que, lorsque les terres sont détenues suivant les règles du droit coutumier, les détenteurs ont la faculté de faire constater et affirmer leurs droits au regard de tous tiers sous réserve de l’observation des dispositions des articles 629 à 639 du présent Code et, insiste sur le fait que l’égalité homme/femme à l’accès à la terre doit être respectée. 


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Michelle Sonkoue est agro-socio-économiste spécialiste en développement rural et intégré et chercheuse sur les questions de tenure foncière et d'agriculture durable au Centre pour l’Environnement et le Développement. Elle coordonne la Coalition Nationale Foncière pour la Gouvernance Foncière au Cameroun.


Cet article de blog est publié dans le cadre de la série d'articles de blogs de la conférence ALIN 2021.

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