Date: 21 avril 2016
Source: undp.org
New York - Améliorer les droits fonciers des peuples autochtones peut jouer un rôle clé dans la protection des forêts tropicales et ralentir le changement climatique, selon des scientifiques, chercheurs et défenseurs de l'environnement.
Avec un nombre croissant de preuves que la protection et la réhabilitation des vastes forêts de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique latine peuvent fournir le temps nécessaire à développer de nouvelles technologies pour remplacer les combustibles fossiles - et que les communautés autochtones jouent un rôle crucial dans ce respect - les chercheurs et les défenseurs de l'environnement mettent l'accent sur la conservation des forêts et le renforcement des droits fonciers des communautés qui y vivent.
« Si nous voulons protéger les forêts du monde, nous devons protéger les droits des peuples autochtones et des communautés qui y vivent et qui ont géré durablement leur patrimoine durant des générations », a déclaré Helen Clark, Administrateur du Programme des Nations Unies, lors d'un événement à la Ford Fondation. « Ce sera un facteur déterminant de succès pour les objectifs globaux sur le changement climatique et le développement durable. »
Étaient également présents à l’événement les militantes écologistes autochtones Mina Setra de l'Indonésie et Diana Rios du Pérou ; l'acteur américain Alec Baldwin et Frances Seymour, du Centre pour le Développement Global de Washington, DC.
« La protection des forêts tropicales est sans aucun doute l'une des solutions climatiques les plus rentables disponibles aujourd'hui », a déclaré Seymour. Arrêter la déforestation et permettre aux forêts de repousser pourrait atténuer jusqu'à 30 % des émissions mondiales actuelles. Les forêts fournissent également des revenus aux communautés locales et des infrastructures «vertes» pour le développement des sociétés. Des mesures visant à les protéger peuvent également faire progresser les droits des autochtones. Pourquoi ne pas profiter de cette occasion pour un triple gain? »
« Si nous continuons à détruire les forêts tropicales au rythme actuel, nous sommes perdus », a déclaré Alec Baldwin.
De nouveaux résultats publiés par le Woods Hole Research Center, un institut de recherche indépendant, soulignent le besoin urgent d'agir. L'analyse démontre que, si nous ne protégeons pas les forêts, il faudra éliminer toutes les émissions de gaz à effet de serre provenant de l'utilisation de combustibles fossiles d'ici à 2035, afin de limiter le réchauffement à 2° C. Des forêts gérées durablement nous donneraient 10 à 15 ans supplémentaires pour mettre fin à l'utilisation des combustibles fossiles tout en gardant le réchauffement global à moins de 2° C, selon cette analyse, qui utilise la plus récente évaluation des ressources forestières (2015) de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Les analyses précédentes ont eu lieu en 2010.
« Il est clair qu'il sera impossible de limiter le réchauffement planétaire à 2° C si nous nous fions uniquement à la diminution d'utilisation des combustibles fossiles », a déclaré le Dr Phillip Duffy, président et directeur exécutif de Woods Hole.
L’analyse suggère aussi qu’arrêter la déforestation tropicale et étendre la superficie forestière de 500 millions d'hectares permettrait de prolonger le délai pour atteindre zéro émission de carbone jusqu'à 2049.
Dans le même temps, des leaders écologistes autochtones sont en péril pour leur opposition à des projets qui menacent leurs communautés et leurs forêts. Le militant cambodgien Phon Sopheak, lauréat de notre Prix Equateur 2015, reste hospitalisé après une attaque par des bûcherons illégaux lors d'une patrouille en forêt. L’activiste mondialement connu, Lenca Berta Cáceres, a été assassiné, tout comme Edwin Chota, Jorge Ríos Pérez, et deux autres dirigeants Ashaninka au Pérou en 2014.
De 2009 à 2014, plus de 450 écologistes du monde entier ont été tués, selon Global Witness, un groupe de surveillance international. Plus de la moitié se trouvaient au Honduras et au Brésil. Pratiquement tous les cas ont en commun le combat de communautés indigènes pour arrêter des projets d’exploitation menaçant leurs ressources et impliquant parfois des centaines de millions de dollars, tels que des barrages et l'abbatage d'arbres à grande échelle.
Diana Rios, du Pérou, a reçu le prix de la Fondation Alexander Soros en 2014, après avoir émergé comme figure de proue de la lutte contre l'exploitation forestière illégale depuis que son père a été assasiné en se rendant à une réunion sur la menace posée par les bûcherons sur les forêts tropicales du Pérou.
« L'argent disparaît, mais pas les forêts. Les forêts seront ici pour cette génération; et toutes celles à venir. Nous allons nous assurer de cela », a déclaré Rios.
Mina Setra, qui a contribué à obtenir une décision de la Cour constitutionnelle de l'Indonésie reconnaissant les droits fonciers des peuples autochtones des forêts, déclare : « Sans nous, les forêts disparaissent. Mais sans les forêts, nous allons disparaître, ainsi que notre nourriture, notre eau, et tout ce qui nous rend humain ».
Il existe des preuves significatives que les peuples résidant dans les forêts sont les meilleurs garants de la gestion durable et du stockage de carbone. Par exemple, les forêts du Brésil qui abritent des communautés indigènes stockent 36% plus de carbone par hectare et émettent 27 fois moins de dioxyde de carbone que les forêts qui ne sont pas sous le contrôle d'une communauté. Une analyse antérieure de Woods Hole estime qu'au moins 20 % du carbone aérien stocké dans les forêts tropicales de la planète se trouve dans les territoires revendiqués par les peuples autochtones de la Mésoamérique, l’Amazonie, la République démocratique du Congo (RDC), et l'Indonésie.
En prévision des négociations qui ont produit l'Accord de Paris, les gouvernements nationaux ont soumis 161 documents, les contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN), détaillant leurs engagements à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Plus de 130 de ces pays ont des forêts tropicales ou subtropicales, et pourtant seulement 21 – ne représentant que 13 % de la superficie forestière mondiale – se sont engagés à mettre en œuvre des stratégies à base communautaire dans le cadre de leurs efforts visant à réduire les émissions. Parmi les absents, les pays abritant les plus grandes forêts du monde : la RDC, le Brésil et l'Indonésie.
« Je voudrais que les dirigeants du monde réunis ici fassent passer le message », a déclaré Alec Baldwin. « Si vous êtes sérieux au sujet de la lutte contre le changement climatique, prenez au sérieux l'autonomisation des personnes qui protègent les forêts du monde ».