L’Etat envisage l’attribution de titres fonciers aux étrangers | Land Portal

Date: 14 novembre 2016

Source: Tribune Madagascar

Par Yvan Andriamanga

L’attribution de titres fonciers et des mêmes droits aux personnes, « quel que soit leur nationalité et leur statut juridique » est suicidaire pour la nation malgache » alertent le SIF (Sehatra iombonana ho an’ny fananantany ou la Solidarité des Intervenants sur le Foncier) et le Collectif TANY (Collectif de la défense des terres malgaches). Ces deux collectifs s’insurgent ainsi contre le projet de loi, « sacrifiant l’avenir de la majorité des Malgaches et des générations futures pour faire plaisir aux investisseurs étrangers ».

Depuis l’envoi d’une lettre ouverte au Premier Ministre au mois de mai 2016 par ces collectifs qui dénonçait le projet de loi visant à légaliser la cession généralisée et définitive des terres malgaches aux étrangers, les responsables du Ministère chargé du Foncier ont seulement changé le numéro de l’article concerné dans le projet de loi qui risque d’être soumis à l’Assemblée nationale, en le déplaçant du numéro 8 vers le numéro 10.

Selon l’article 10 de cette nouvelle version du projet de loi, «  L’immatriculation des immeubles [et /ou l’inscription des droits mentionnés et énumérés à l’article peuvent être demandées par le propriétaire ou par un titulaire de droits réels immobiliers quel que soit leur nationalité et leur statut juridique. » Cela veut dire que les personnes et structures étrangères pourront obtenir des titres fonciers et avoir exactement les mêmes droits de propriété que les Malgaches, alors que cet article a pour objet de préciser les personnes habilitées à demander la publicité foncière, c’est- à - dire l’inscription de droit foncier dans le livre foncier, s’inquiètent les deux collectifs SIF et TANY. Ils font appel « de nouveau tous les citoyens malgaches, les membres des commissions d’étude des projets de loi des différents ministères ainsi que les députés et sénateurs, sur quelques aspects dangereux de ce projet de loi. »

Cet article manque de clarté et risque d’être interprété comme une échappatoire aux dispositions juridiques interdisant aux personnes de nationalité étrangère d’être propriétaires de parcelle de terre sur le territoire de Madagasikara. L’expression « …par le propriétaire ou par un titulaire de droits réels immobiliers quel que soit leur nationalité et leur statut juridique » est imprécise car juridiquement le mot ‘propriétaire’ et l’expression ‘titulaire de droit réels’ sont équivalents. Dans la formulation actuelle de ce projet de loi, le propriétaire est titulaire de droit réel c’est-à-dire qu’il a un droit réel sur une parcelle de terre. Le droit réel a pour définition « un droit qui porte sur un bien ». Ainsi, par le biais de cet article les personnes de nationalité étrangère ont aussi le droit d’acquérir un titre foncier en tant que propriétaire.

Pour que cet article soit en cohérence avec les dispositions juridiques interdisant la vente de terre aux étrangers à Madagascar, il devrait préciser que l’inscription des droits fonciers des personnes de nationalité étrangère se limite à des droits de propriété démembrés comme l’usufruit, ou encore l’emphytéose et le droit de superficie.

Tout projet d’attribution des mêmes droits sur les terres aux Malgaches et aux personnes d’autres nationalités renforce le risque de voir la totalité du territoire approprié par les personnes incomparablement plus riches et plus puissantes que les paysans et la majorité des citoyens malgaches. Les simples citoyens malgaches non richissimes s’avèreraient rapidement perdants dans la concurrence pour l’achat et l’immatriculation des terrains car les moyens ne sont pas du tout identiques, font remarquer les deux collectifs. De plus, cette appropriation sera définitive et inattaquable comme le précise l’article 45 du projet de loi.

La terre est devenue une valeur refuge pour les investisseurs dans le monde entier. La beauté de notre pays riche en biodiversité et en ressources naturelles et le prix des terres très bas à Madagascar en comparaison avec les prix sur le marché mondial, accroitront les convoitises des investisseurs et spéculateurs, selon eux. Mais les dirigeants et décideurs nationaux semblent avoir fait le choix de céder aux sirènes de certains organismes internationaux et investisseurs étrangers qui les poussent à changer les lois au détriment des intérêts de la nation malgache. Et pour quelle contrepartie, demandent-ils. Accorder des titres fonciers à tous les étrangers provoquera en effet une nouvelle colonisation du peuple malgache mais ne mènera pas au développement de la majorité de la population qui vit du travail de la terre mais ne possède pas de titre. La SIF – et le Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY réclament aux dirigeants de clarifier et de mieux informer l’ensemble des citoyens malgaches sur ce projet de loi, - de donner à la population l’opportunité de connaître les conséquences d’une telle décision sur les risques d’éviction et d’expulsion de toutes les familles de paysans et simples citoyens malgaches de leurs terres et de l’absence d’une terre nourricière et d’un territoire national pour les générations futures, et - de faire participer la population au processus décisionnel sur ce sujet crucial et de réellement prendre en compte les avis émis par les représentants aux réunions de concertation, avant de prendre la lourde responsabilité de brader un bien commun aussi précieux pour les Malgaches que l’ensemble des terres de la Grande Ile.

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