Femmes et travail : « l’égalité de genre profite à toutes et tous » | Land Portal

Partout dans le monde, les inégalités de genre sont criantes dans la sphère professionnelle où les femmes sont majoritaires dans les emplois précaires et mal rémunérés. Dans les pays en développement, ces situations sont exacerbées. Dans ce contexte, la prise en compte des dynamiques de genre et la lutte contre les inégalités femmes-hommes dans le monde professionnel font partie des axes de travail et des principes d’action du Gret.

 

Entretien avec Mélanie Canino, responsable Genre au Gret.

 

Que peut-on dire de la situation du travail des femmes dans les pays en développement ?

Les femmes sont surreprésentées dans le secteur informel qui pèse beaucoup dans ces pays. S’il est important de les aider à mener des activités génératrices de revenus, il est aussi crucial de garantir leur formalisation afin qu’elles puissent sortir de la précarité et accéder aux avantages sociaux dont elles sont privées.

Les femmes assument également une partie disproportionnée du travail non rémunéré : elles réalisent deux fois et demi plus de tâches ménagères et de services de soins que les hommes. Ce travail supplémentaire a un impact sur leur accès à l’éducation, au divertissement et à la sphère politique. Dans le secteur agricole où elles représentent pourtant 45 à 60% de la main d’œuvre, elles ne reçoivent souvent pas de salaire et sont exclues des processus de décision. Par ailleurs, dans de nombreux pays, le droit coutumier ne leur donne pas accès à la propriété des terres. Moins de 13% des agricultrices possèdent les terres qu’elles cultivent, selon l’ONG Oxfam

Reléguées à des sphères délaissées par les hommes, elles développent pourtant un savoir-faire et des compétences qui profitent à l’ensemble de la communauté. Que ce soit dans le domaine des soins, l’agriculture, les tâches domestiques, les systèmes informels de mutuelle, la microfinance et dans bien d’autres secteurs encore, le travail non rémunéré des femmes soutient l’économie et compense souvent un manque de dépenses publiques dans les infrastructures et les services sociaux. On voit bien que leur travail constitue un formidable levier de développement et on aurait tout à gagner à mieux utiliser leurs compétences. Il faut faire comprendre que l’égalité de genre profite à toutes et tous.

Cependant, on constate souvent que lorsqu’une activité traditionnellement menée par des femmes est reconnue et devient rentable, les hommes prennent leur place….

En effet, cela peut se produire. En Afrique de l’Ouest, par exemple, la transformation du lait est une activité plutôt féminine. Mais le Gret a pu observer, en menant des projets pour le développement de minilaiteries, qu’avec de meilleurs équipements et l’ouverture de débouchés commerciaux, les hommes avaient tendance à s’approprier l’activité, captant aussi une partie des revenus de la vente et de la transformation. C’est aussi le cas dans la gestion des déchets : dans certains quartiers d’Antananarivo à Madagascar, nous avons pu constater que les activités bénévoles de collecte et de tri étaient principalement menées par des femmes. Mais dès qu’elles devenaient rémunératrices, elles étaient accaparées par les hommes et soudain jugées « trop sales » pour les femmes. C’est pourquoi le Gret porte une attention toute particulière à la place des femmes quand il mène ce type de projet.

Dans des projets d’insertion professionnelle, que peut concrètement apporter une approche par le genre ?

L’approche par le genre propose une grille d’analyse dont la portée est politique et transformative. Cela permet d’observer et d’analyser les dynamiques de pouvoir, la répartition des ressources, les processus de décision dans une situation donnée et, in fine, de mieux prendre en compte les besoins de toutes et tous.

L’approche du Gret se décline de deux façons. D’une part, en aménageant les situations produites par les inégalités de genre pour améliorer progressivement les conditions de vie des travailleuses. D’autre part, en intervenant pour les transformer durablement. Ainsi, le Gret agit sur la formation et l’insertion professionnelles des jeunes. Les normes qui imprègnent de nombreuses cultures les conduisent à se diriger vers des filières parfois stéréotypées du point de vue du genre. Le Gret intervient alors en accompagnement des jeunes pour construire avec elles et eux les parcours qui leur conviennent mieux, même en dehors des sentiers battus. Le Gret intervient aussi sur l’empowerment des femmes qui vise à leur donner les capacités de s’organiser de manière individuelle et collective et d’être moins conditionnées par la pauvreté et la précarité. 

Au Vietnam, nous menons un projet pour améliorer les conditions des ouvrières des filières textiles dans les zones périurbaines de Hai Duong et de Vinh Phuc. Nous nous intéressons en premier lieu à leurs conditions de vie : logement précaire et insalubre, problèmes de santé… Mais le projet s’attache également à leur faire prendre conscience de leurs droits, les former au droit du travail et les aider à s’organiser en réseaux de solidarité. Cela permet de faire émerger des femmes leaders, amenées à prendre ce rôle dans leur vie professionnelle. Elles apprennent aussi à se servir des outils numériques pour en saisir les opportunités mais aussi pour se défendre contre toutes formes d’abus (harcèlement, escroqueries, etc.).

Les femmes ainsi formées et renforcées deviennent des citoyennes actrices d’un changement pour une meilleure prise en compte de leurs droits. A l’échelle communautaire d’abord, puis à plus grande échelle, si cela est possible.

Quels pourraient être les obstacles à ces changements ?

Les processus d’empowerment sont fragiles et non linéaires. On observe dans de nombreux pays et dans des contextes très divers, de véritables régressions des droits des femmes – y compris dans certains pays occidentaux, en Europe ou encore aux Etats-Unis avec le recul du droit à l’IVG, par exemple.

Si l’approche par le genre permet de repérer où se logent les injustices et les actions à mener en conséquence, les transformations doivent toujours être mises en place de façon très progressive : il faut être extrêmement attentif aux conséquences de l’empowerment des femmes quand elles ne sont pas acceptées par l’entourage, car elles peuvent générer des phénomènes de « retour de bâton » et donner lieu à des violences, notamment conjugales. Le principe du « d’abord, ne pas nuire » n’est pas une incantation :  faire évoluer la société, accompagner les hommes dans la transformation, veiller à l’équilibre des dynamiques lancées et avoir une vision globale des changements qu’elles induisent, sont des éléments essentiels.

 

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