Le changement climatique et les tensions dans l'Extrême-Nord du Cameroun | Land Portal

Selon l'agence de l'Onu pour les réfugiés, le changement climatique a exacerbé les tensions à l'origine des violences communautaires dans l'Extrême-Nord du Cameroun. 

Des réfugiées camerounaises qui se sont réfugiées au Tchad pour fuir les violences

Pour Carole Sambale, consultante en prévention des conflits et stabilité communautaire, il y a différents facteurs qui débouchent sur ces violences intercommunautairesparmi lesquels figurent les effets néfastes du changement climatiques.
 

"Il faut travailler à des stratégies de résilience" (Carole Sambale)

Carole Sambale : Toute la région, depuis de longues années est en déstabilisation. Nous avons différents facteurs de cette déstabilisation qui trouvent un dénouement tragique effectivement dans ces combats intercommunautaires, mais qui n'ont pas leurs racines profondes dans les communautés entre elles. Les communautés agissent simplement face à des situations qui fragilisent leur leur assiette économique de façon tragique.

DW : Alors, la plupart des réfugiés ou déplacés dont on parlait sont des femmes, dont certaines sont d'ailleurs anceintes et il y a aussi des enfants. Quel rôle joue le changement climatique dans ces conflits ?

Carole Sambale : Le changement climatique joue un très grand rôle parce que le Sahel est une région qui a un climat assez fragile, c'est-à-dire que les populations, depuis très, très longtemps, ont appris à se référer à des saisons de pluie bien déterminées, à des saisons de sécheresse bien déterminées, à des températures et ont adapté leurs cultures ou bien leur élevage à ces conditions-là.

Mais ces conditions, depuis quelques années, et ça va de plus en plus vite, se dégradent énormément. Au mois d'octobre, j'étais encore au Niger et à ce moment-là, j'ai moi même fait face à des températures complètement exorbitantes pour la saison. Donc, le changement climatique, effectivement, fragilise fortement les populations agraires et les éleveurs.

DW : ... et ce changement climatique cause des conflits entre éleveurs et agriculteurs, notamment ?

Carole Sambale : Évidemment, lorsque vous avez beaucoup moins de ressources pour les humains et pour les animaux, à ce moment-là, effectivement, il y a une guerre à la recherche effectivement de ses ressources. Mais je voudrais attirer votre attention sur le fait que ce n'est pas le seul facteur.

DW : Il y a d'autres éléments endogènes, comme par exemple les conflits liés aux groupes armés ou au djihadisme dans le Sahel, par exemple ?

Carole Sambale : Tout à fait. Vous le dites, les groupes armés, les djihadistes qui œuvrent dans la région de plus en plus ou qui œuvrent aussi dansla région du Lac Tchad, dans différents villages, qui œuvrent de façon périodique, pas toute l'année, déstabilisent fortement ces populations qui sont dépendantes effectivement de l'accès aux ressources.

DW : Certains villages sont quasiment occupés par des hommes armés qui rançonnent les populations civiles ?

Carole Sambale : Tout à fait. Non seulement il y a ce rançonnement, mais il y a aussi une insécurité psychologique, c'est-à-dire que souvent, même quand les troupes djihadistes se sont retirées, les populations ne savent pas à quel moment elles vont débarquer en pleine nuit. Donc tout ça, c'est une situation d'insécurité intenable.

DW : Quelle pourrait être la solution pour endiguer ces conflits entre communautés liés à la terre, à l'élevage, mais aussi à la présence de groupes armés ?

Carole Sambale : C'est très difficile à dire en deux mots, parce que vous avez d'autres facteurs aussi qui jouent un très grand rôle. Vous avez une mauvaise gouvernance au niveau communal, au niveau préfectoral, vous avez une police qui n'a pas assez de puissance, qui n'a pas assez de présence malgré toute la bonne volonté de chaque policier. 

Mais là, structurellement, elle n'est pas réellement présente. Vous avez la présence des grands potentats, tant du côté agriculture qui clôturent leurs champs ou bien du côté des éleveurs, des grands potentats qui investissent dans les cheptels. Et tout ça, ce sont les facteurs exogènes, les facteurs extérieurs aux communautés, mais qui jouent un très grand rôle dans la vie quotidienne des communautés.

DW : Et quoi faire pour endiguer ces conflits ?

Carole Sambale : Il y a différents niveaux. Le plus facile, c'est de faire appel à l'Etat en disant que l'Etat doit agir, etc. Mais moi, personnellement, je travaillais dans des projets qui choisissent une autre forme, c'est-à-dire de travailler avec les communautés à des stratégies de résilience. 

Et j'insiste sur le mot avec. Il ne s'agit pas de venir leur imposer quoi que ce soit parce que les communautés, lorsque vous les écoutez, que ce soit les éleveurs ou les agriculteurs, vous voyez qu'ils ont une très grande sagesse. Ils ont eux mêmes des formes de solutions. Donc, il s'agit de les accompagner afin qu'elles puissent mettre en œuvre ces solutions qui sont beaucoup plus adaptées à la région qu'on le pense.

DW : Vous parliez à l'instant de l'Etat. Dans quelle mesure les Etats peuvent ou doivent intervenir dans ces conflits qui éclatent d'ailleurs parfois le long des frontières ?

Carole Sambale : Tout à fait. Intervenir, c'est-à-dire lorsqu'un conflit est à un degré très élevé, toute théorie de conflit vous dit qu'il faut intervenir avec la force, il faut intervenir avec de l'autorité. Mais je suis beaucoup plus vers la prévention de ces conflits-là. Donc, ce serait effectivement dans le sens d'une gouvernance honnête, d'une gouvernance vers les besoins de la population et d'une gouvernance qui, à tous les niveaux de l'administration prenne en compte les personnes qui y vivent.

DW : Concrètement, vous voulez dire que l'Etat doit s'investir sur place, dans les villages, dans les communautés ?

Carole Sambale : Absolument. Il y a une très forte absence de l'Etat dans plusieurs pays de la sous région et ceci, effectivement, donne libre cours à différentes exactions, qu'elles soient externes ou que ce soit la colère quelque fois très légitime de populations qui se sentent absolument délaissées.

Copyright © Source (mentioned above). All rights reserved. The Land Portal distributes materials without the copyright owner’s permission based on the “fair use” doctrine of copyright, meaning that we post news articles for non-commercial, informative purposes. If you are the owner of the article or report and would like it to be removed, please contact us at hello@landportal.info and we will remove the posting immediately.

Various news items related to land governance are posted on the Land Portal every day by the Land Portal users, from various sources, such as news organizations and other institutions and individuals, representing a diversity of positions on every topic. The copyright lies with the source of the article; the Land Portal Foundation does not have the legal right to edit or correct the article, nor does the Foundation endorse its content. To make corrections or ask for permission to republish or other authorized use of this material, please contact the copyright holder.

Share this page